NON À UNE RENTRÉE « HYBRIDE » ! Un argumentaire de SUD ÉDUCATION RÉUNION

(actualisé le ) par sudeduc974

« HYBRIDATION » DU « PRÉSENTIEL » ET DU « DISTANCIEL » : UNE TRÈS MAUVAISE IDÉE.

La crise sanitaire a fourni au gouvernement le prétexte et l’occasion de procéder à un certain nombre d’expérimentations dans divers domaines (droit du travail, justice, libertés...). Dans le monde éducatif, c’est sans conteste la mise en œuvre de l’enseignement « en distanciel », à l’échelle de tout le pays, de la maternelle à l’Université, qui constitue l’épisode marquant de cette période. Parenthèse ou début d’une nouvelle ère ? À l’Université, on prépare déjà une rentrée « hybride », conjuguant cours « en présentiel » et enseignement « en distanciel » ; et de la maternelle au lycée, on n’écarte pas cette hypothèse. C’est pourtant une très mauvaise idée ; voilà pourquoi :

1) Parce que la fracture numérique est une réalité :

  • La fracture numérique, c’est d’abord l’inégalité entre les élèves en terme d’équipement informatique. Et qu’on ne compte pas sur les collectivités pour remédier au problème : alors qu’il y a encore quelques années, les lycéens réunionnais recevaient de la Région un robuste ordinateur portable dont certains se servaient encore une fois dans le supérieur, aujourd’hui, on les dote d’une tablette augmentée d’un clavier, inutilisable lorsqu’elle est en charge pour cause de surchauffe, et qu’il faut alors refroidir avec des pains de glace ! Ajoutons que le Ministère envisage de mettre un terme à ce plan d’équipement pour inciter les élèves à utiliser leur propre matériel informatique : c’est le plan « AVEC ». Seuls les élèves boursiers bénéficieront d’un plan d’équipement cofinancé par l’État et les collectivités : est-ce à dire qu’ils se verront attribuer un matériel défaillant ? Outre que les familles d’élèves non boursiers n’auront pas forcément les moyens d’équiper décemment leurs enfants, on anticipe déjà les multiples bugs que cette stratégie ne manquera pas d’entraîner en cours.
  • La fracture numérique, comme nous avons pu le constater massivement pendant la période de fermeture des établissements, c’est aussi l’inégalité des élèves et de leurs parents en terme de compétences informatiques. Contrairement aux légendes, les digital natives ne sont pas spontanément à l’aise derrière un écran ; parvenus au lycée, un grand nombre d’entre eux ne savent pas vraiment se servir d’un logiciel de traitement de texte, et ne maîtrisent en fait que les applications de leur smartphones, conçues pour être intuitives et faciles d’usage. Et lorsqu’ils se retrouvent bloqués, parce qu’ils ne savent pas numériser un document ou décompresser un fichier, ils ne peuvent pas toujours compter sur leur entourage pour les aider.
  • La fracture numérique a un autre aspect, qui découle du précédent : la surexposition aux écrans des enfants des classes populaires et moyennes. Alors que la tendance dans les milieux favorisés est de débrancher les ordinateurs et de limiter le temps passé derrière les écrans pour favoriser la pratique d’activités épanouissantes variées, l’enseignement en distanciel risque fort d’augmenter encore l’exposition de la plupart de nos élèves aux écrans, avec toutes les conséquences qu’on imagine en terme de santé.

2) Parce que l’exposition aux écrans pose un grave problème de santé publique (pour les élèves et pour les profs !) :

  • L’usage des ordinateurs accroît la sédentarité, entraînant (entre autres facteurs) une augmentation de l’obésité et une diminution des capacités physiques.
  • Les effets nocifs de la lumière bleue des écrans sont bien connus.
  • L’exposition des enfants aux écrans a apparemment des effets catastrophiques sur les capacités cognitives des enfants (attention, mémorisation...).
  • L’explosion des troubles cognitifs (dys-) depuis quelques années ne s’explique pas par une amélioration du dépistage, mais par un facteur environnemental : l’omniprésence des écrans.
  • Du coté des enseignants, rappelons quand même que le « télétravail » impose des conditions de travail pathogènes.

3) Parce que le développement du numérique a des conséquences environnementales catastrophiques (processus de fabrication particulièrement polluant, consommation énergétique importante...).

4) Parce que les logiciels et autres plateformes fournies aux enseignants sont (en tout cas ceux qui sont les plus attrayants pour les enfants) largement produits et vendus par des multinationales, dont les conditions d’utilisation ne sont pas toujours claires. Prenons par exemple Blackboard, le logiciel de classe en ligne du CNED qui nous a été recommandé par notre hiérarchie. La lecture des conditions d’utilisation et la déclaration de confidentialité réserve quelques surprises (droits accordés à Blackboard concernant les contenus, partage des données avec des tiers et des partenaires, y compris à l’étranger, etc.) ; l’entreprise est muette sur sa conformité au Règlement européen relatif à la protection des données (RGPD) ; et les informations techniques dont nous disposons indiquent que les services sont exploités à partir des fermes de serveurs d’Amazon. Pour toute réponse, le CNED se contente d’indiquer que les données des utilisateurs sont hébergées “en Europe”.

5) Parce que c’est un non-sens pédagogique. Pendant la période de fermeture des établissements, redoublant de travail et d’imagination, les enseignants ont donné énormément de temps et d’énergie pour proposer à leurs élèves des contenus et des activités adaptées aux conditions exceptionnelles qu’ils traversaient. Mais nul, sans doute, ne contestera que pour la majorité de nos élèves, on ne peut faire en « distanciel » que du palliatif. Étayons un peu :
-* Le distanciel limite la spontanéité des interactions (des enseignants avec leurs élèves et des élèves entre eux) qui constituent pourtant un élément essentiel de toute pédagogie digne de ce nom.

  • Les écrans nuisent gravement à l’attention et à la concentration  ; c’est d’ailleurs pourquoi la DANE recommandait dans un de ses webinaires de limiter les classes virtuelles à deux séances par jour, toutes matières confondues. On aurait tout intérêt à tirer les leçons de ce qui se fait aux États-Unis, qui avaient une longueur d’avance sur nous, et qui, au vu des dommages infligés aux élèves par le développement du numérique à l’école, commencent à faire marche arrière (interdiction des écrans en classe, par exemple).
  • Le numérique permet bien de transmettre des documents ou des informations ; ce ne sera jamais l’outil adéquat pour amener les élèves à construire des savoirs.
  • Quant à l’injonction permanente à «  travailler autrement » ou « inventer de nouvelles manières d’enseigner », nous savons bien d’où elle vient et ce qu’elle signifie : l’adaptation aux outils du XXIe siècle est le mot d’ordre de l’offensive lancée par Blanquer (après bien d’autres) contre le statut et le métier d’enseignant.

POUR TOUTES CES RAISONS ET BIEN D’AUTRES ENCORE, SUD ÉDUCATION RÉUNION S’OPPOSE FERMEMENT AU PROJET D’UNE RENTRÉE « HYBRIDANT » ENSEIGNEMENT EN « PRÉSENTIEL » ET EN « DISTANCIEL » ET EXIGE UNE VÉRITABLE RENTRÉE SCOLAIRE DE TOUS LES ÉLÈVES EN « PRÉSENTIEL » DANS LEURS ÉTABLISSEMENTS, DE LA MATERNELLE À L’UNIVERSITÉ.

hybridation des enseignements en présentiel et en distanciel - une très mauvaise idée - version abrégée
hybridation des enseignements en présentiel et en distanciel - une très mauvaise idée