Le Monde d’après, tu te souviens ? article à paraître en version abrégée dans le Sudkifo de juin 2020

(actualisé le ) par sudeduc974

Le confinement, tu te rappelles ? Moi, je ne sais pas, j’ai l’impression que c’était déjà il y a très longtemps. Ou que ça n’a peut-être pas vraiment eu lieu.

Pourtant, si, rappelle-toi. Le temps où, enfermés, avec pas grand-chose d’autre à faire que lire et réfléchir, on pensait au « monde d’après » ? Hein ? Où forcément, « ça changerait, ça devrait changer ». Parce qu’on avait bien vu, bien compris, que les « vieilles recettes », ça ne marchait pas. Que « dégraisser l’État » ça avait mené à la catastrophe. Que faire des économies sur l’Hôpital, etc. etc.

Même Jupiter(minus) y était allé de son couplet sur « les erreurs » (les « erreurs » !..) commises, et qu’on allait se remettre en question, que remettre notre santé aux mains du Marché c’était « une folie »…

Alors on y a peut-être un peu cru, quand même, que « quelque chose allait changer », parce que là c’était quand même trop gros, trop évident…

Eh bien non, bien sûr. Tout restera comme avant, en pire probablement (comme l’a dit l’autre). Parce que maintenant, la crise, elle n’est (presque) plus sanitaire, elle est économique. Et là, les « vieilles recettes », elles servent toujours. Fidèle à 40 ans de « stratégie du choc », notre « Start-up Nation’s CEO » s’empresse de nous dire tout ce qui ne changera pas (enfin si, mais en pire) : pas question d’augmenter les impôts (sur les riches, les rentiers du capital). A la place, on va travailler plus pour reconstruire plus notre économie, parce qu’à la fin, c’est bien connu, la richesse « ruisselle » sur le bon peuple laborieux.

Et pourtant. On est quand même quelques-uns à s’être posé la question : et si l’épidémie avait été plus meurtrière, plus contagieuse ? Si en place de Covid-19, on avait eu, disons, un genre d’Ebola ?

Combien d’infirmières, de médecins auraient continué d’exercer, au péril (littéralement), de leur vie ? Combien de volontaires pour remplir les rayons de nos grandes surfaces ? Combien d’agents d’entretien pour nettoyer le mobilier public comme on joue à la roulette russe ? Combien de dockers pour décharger les containers et maintenir la perfusion de marchandises qui garde notre île en vie, sans qu’on y pense ?

Et soudain, les théories des « collapsologues » sont devenues très très réalistes.

Et si, demain, nos supermarchés sont vides ? Si plus un baril d’essence n’arrive au Port ? Si plus de gaz pour faire cuire le riz (qui ne sera plus importé de toute façon) ?

Eh oui, on a peut-être réalisé ça : l’Effondrement, c’est possible. Et ça peut arriver très vite. Et ça peut arriver bientôt.

Imagine : plus assez à manger pour tout le monde. Il va se passer quoi, alors ? Avec nos besoins, nos habitudes, notre individualisme bien enkysté dans nos esprits, notre « Moi et Les Miens d’abord ». Ça fait flipper, non ? Évidemment, on peine à imaginer autre chose qu’une « guerre de chacun contre tous », avec ses déclinaisons potentielles : ethnicisation, bunkérisation des mieux lotis, milices… La SF nous fournit un beau panel de futurs apocalyptiques envisageables.

Le covid nous a montré qu’envisager sérieusement la possibilité de l’effondrement, c’est simplement faire preuve d’une élémentaire lucidité.

Alors quoi ? On pleure et on désespère ? On s’enferme dans le déni et on se précipite sur tous les plaisirs consuméristes dont on a été un temps privés (la pub nous le dit : c’est le moment de se faire plaisir en changeant de voiture) ? On commence à faire provision de conserves et d’armes à feu ?

Certains font d’autres choix : ils s’organisent. Ils sont parfois syndiqués (il paraît qu’on en trouverait à SUD ?), ou font partie de groupes affinitaires. Ils ont parfois commencé à changer de mode de vie, ici ou (ou , ou ). Les « collapsonautes » nous disent que s’y préparer, c’est simplement « ne plus en éluder les conséquences ». Regroupements solidaires, « écolieux », « écovillages » et autres ZAD nous montrent qu’un autre futur est possible, ici et maintenant.

Le monde d’après, tu te souviens ?