La newsletter féministe Les Glorieuses

Inégalités salariales : depuis lundi 6 Novembre 2023, 11 h 25, les Françaises travaillent gratuitement

par sudeduc974

La newsletter féministe Les Glorieuses a calculé la date symbolique à partir de laquelle les femmes travaillent gratuitement, compte tenu des inégalités de salaire avec les hommes. L’Insee souligne surtout que les femmes accèdent moins que les hommes aux postes les plus rémunérateurs.

En 2022, la newsletter Les Glorieuses avait estimé que les femmes travaillaient « gratuitement » à partir du 4 novembre à 9 h 10.

Depuis 11 h 25 ce lundi 6 novembre, les femmes en France travaillent « gratuitement  », selon la newsletter Les Glorieuses qui lutte contre les inégalités entre les sexes. L’écart de salaires constaté par Eurostat en France entre les hommes et les femmes était de 15,4 % en 2021. Converti en jours ouvrés, cela équivaudrait à un peu moins de trente-neuf jours - soit près de deux mois de travail offerts, d’après le média féministe .

Ce dernier réclame la mise en place de trois politiques publiques :
- appliquer le principe « d’éga-conditionnalité », soit conditionner l’accès aux marchés publics, l’obtention des subventions publiques au respect de l’égalité salariale au sein de sa structure ;
- revaloriser les salaires des emplois où les femmes sont les plus nombreuses ;
- soutenir un congé parental équivalent pour les deux parents.

L’Insee nuance

Dans cette bataille de chiffres, l’Insee brosse un portrait plus nuancé. « Dans le secteur privé, il faut retenir trois chiffres, assez différents les uns des autres, mais somme toute cohérents », explique Vladimir Passeron, chef du département de l’emploi et des revenus d’activité à l’Institut de la statistique.
Il y a d’abord l ’écart de revenu salarial de 24,4 % entre les femmes et les hommes, différent du chiffre d’Eurostat, qui traduit non seulement des différences de salaires, mais aussi de durée du travail. Les femmes sont quatre fois plus nombreuses à temps partiel, que cette situation soit choisie ou subie, et sont aussi plus souvent en CDD, avec potentiellement des périodes de creux.

« En salaire net en équivalent temps plein, que l’on considère comme unité unique de travail, les salaires des femmes restent 15 % inférieurs à ceux des hommes, précise Vladimir Passeron. Cela montre surtout le fait que les femmes n’occupent pas les mêmes postes que les hommes, et n’accèdent pas aux postes les plus rémunérateurs. » Ainsi, seule une personne sur cinq des 1 % des salariés les mieux rémunérés du privé est une femme.
A poste comparable et temps de travail égal enfin, l’écart salarial se réduit encore pour atteindre 4,3 %. Mais l’ancienneté dans l’entreprise, le niveau de diplôme ou encore l’expérience professionnelle ne sont pas pris en compte dans le calcul, alors qu’ils sont des éléments essentiels pour définir la rémunération d’un collaborateur.
95 % des secrétaires sont des femmes
Ainsi, les femmes subissent une triple peine : elles n’occupent pas les mêmes postes au sein des entreprises, ne sont pas dans les entreprises les plus rémunératrices, ni dans les secteurs les plus lucratifs. Par exemple, 95 % des secrétaires sont des femmes, avec des salaires relativement faibles par rapport au reste de l’entreprise.

« Les femmes représentent en France 90,4 % des infirmières, 87,7 % des sage-femmes et 65,7 % du corps enseignant. Ces emplois de soin et d’éducation, très féminisés, ont été cruciaux ces dernières années pour la France (crise Covid) et ces emplois sont essentiels pour le maintien de notre cohésion sociale », plaide Les Glorieuses.

Violences économiques conjugales

Comment faire pour réduire de tels écarts ? « Des mesures luttant contre le temps partiel, lorsqu’il est contraint, sont un levier qu’il est possible d’actionner, tout comme la distribution des postes les mieux rémunérés - même s’il est plus difficile d’inciter les entreprises à diversifier leurs attributions de postes, analyse Vladimir Passeron. Cela peut aussi se faire grâce à la formation, mais il s’agit ici d’influer sur le temps long. »

Lire aussi :
ZOOM - La Cour des comptes juge sévèrement la politique d’égalité femmes-hommes du gouvernement
EN CHIFFRES - Le plafond de verre résiste aux femmes dans la banque européenne
Pourtant, payer correctement les femmes permettrait de les protéger des violences économiques conjugales, selon une étude menée par Les Glorieuses avec l’Ifop. Contrôle des ressources, invisibilité de la gestion financière, refus de partage à la séparation… plus de quatre femmes sur 10 en seront victimes au cours de leur vie. Et, selon cette enquête, les femmes ont deux fois plus de risques d’en être victimes si leur rémunération est très inférieure à celle de leur conjoint.

Neïla Beyler (Publié le 6 nov. 2023)