DU BIDONNAGE DES EXAMENS.

(actualisé le )

Cette année encore fut un grand cru à la Réunion : comment faire en sorte que nos élèves, malgré leurs difficultés, aient les mêmes résultats au Brevet qu’en métropole, voire des résultats supérieurs ?

De grands colloques ont dû avoir lieu, avec ce bilan évident : il suffit d’har-mo-ni-ser ! Dire toujours aux professeurs que dans les autres centres, ils font mieux, et qu’au nom de l’harmonisation et du droit à l’égalité dans la correction, les notes des « mauvais centres » d’examen doivent remonter. D’ailleurs, qui est contre l’égalité ? Et contre l’harmonie ? Le niveau baisse
On connaissait depuis belle lurette les pratiques réunionnaises en mathématiques, dans lesquelles les enseignants ne corrigent que quelques copies selon un barème déjà avantageux, puis les font remonter à l’inspection qui transforme complètement le barème national, allant jusqu’à noter sur zéro les exercices difficiles, sauf si les élèves les réussissent ! Les enseignants doivent suivre ce nouveau barème, puis encore un autre s’il n’est pas assez avantageux. C’est ainsi qu’un élève qui n’a pas fait un exercice peut avoir 40 sur 40 ! La magie des mathématiques... Les résultats sont là : le nombre d’élèves qui n’ont pas les bases en mathématiques en entrant en sixième est important, mais après quatre ans de collège, ils ont presque tous rattrapé leur retard ! Ils sont bons, voire excellents !

Quel mensonge !

Quelle arnaque !

Cette méthode « mathématique » se propage à présent aux autres matières du Brevet : les professeurs commencent à être fliqués, on leur signale en français (pas encore individuellement) que leur moyenne est trop basse, et cette année, les questions en français ont été notées officiellement sur 15, mais avec 3,5 points de bonus... Et en rédaction, les enseignants de français ne devaient pas enlever plus d’un point pour l’orthographe. C’est normal, aussi : c’est pas comme si on était en français... Nul doute que nos élèves auront encore progressé cette année...

Dans quel but ?

Montrer qu’à la Réunion on réussit aussi bien qu’ailleurs ? Ou que nos chers inspecteurs réussissent à faire progresser les petits des tropiques ?
Qu’on ne s’y trompe pas : il n’y a pas qu’à la Réunion que cela a lieu : d’autres lieux défavorisés en sont aussi victimes. Ça coûte moins de faire peur à des profs somme toute conciliants que de donner vraiment les moyens et de mettre en place des pratiques pédagogiques qui permettraient de réduire des inégalités révoltantes.
Que des élèves très faibles ou peu travailleurs aient leurs examens peut déjà choquer et dégoûter leurs enseignants. Mais, surtout, avec les réformes qui ces dernières années ont ravagé l’Education nationale et la réduction drastique du nombre d’enseignants, il ne serait pas de bon goût, pour nos inspecteurs comme au Ministère, que les résultats des élèves baissent : des esprits tordus pourraient y voir un lien de cause à effet...
Les professeurs, fliqués pour corriger généreusement (« ne retenez que ce qui est bon », leur a-t-on dit en histoire-géographie) sont poussés à participer, à cautionner ce fonctionnement et à approuver ainsi implicitement des réformes néfastes. Ils les subissent donc à tous les niveaux : comme pour le A2, le B2i, le socle commun et tout le reste, le but premier (en tout cas officiel) de faire acquérir à tous les élèves un niveau minimum dans un certain domaine est détourné et se retourne contre les professeurs, surtout quand ils ne « valident » pas : les bons profs sont les « validateurs » d’un système hypocrite qui se mord la queue et détruit un peu plus notre Ecole Publique.
BAC

Au Bac, même topo. On nous demande de noter généreusement mais le comble, si c’est « trop » haut, de baisser les notes...
Les épreuves deviennent de fait une épreuve... pour les professeurs !
Sud éducation encourage tous les professeurs qui font passer les examens à résister, individuellement au moins, collectivement si c’est possible ; pas en râlant tout en obéissant, ni en saquant les élèves, mais en passant outre les consignes officielles et en corrigeant d’une manière qui leur paraît juste, honnête, cohérente : appliquer une sorte de sens commun ou bien simplement être professionnels. Battons-nous aussi pour que la Réunion ait de réels moyens pour faire progresser nos élèves, et pas seulement lors des examens... Il ne s’agit pas juste de principes, mais d’une défense de notre service public d’éducation !